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Les STIM : la diversité, l’inclusion et l’avenir

C’est un miracle de la science.Moins d’un an après l’annonce de la pandémie de COVID-19, les efforts communs de scientifiques des quatre coins du monde ont permis la mise au point de vaccins capables de protéger l’humanité. Un processus qui s’étend généralement sur 10 ans a été condensé en quelques mois seulement alors que le Canada et le monde affrontaient la pandémie.

L’accélération de la vaccination au début de l’été 2021 a fait chuter le nombre d’infections et laissé poindre l’espoir d’une nouvelle normalité. Les efforts des scientifiques ont beaucoup impressionné la population canadienne, à tel point que plus de 90 % des participants et participantes à un sondage ont dit voir la science comme un aspect essentiel de la société vu les percées réalisées pendant la pandémie. Dans l’ensemble, cet effort historique a mis en valeur l’importance de recruter les meilleurs candidats et candidates pour des carrières en STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques). 

Légère hausse des demandes d’admission en STIM

Le personnel de recrutement des collèges et universités a noté une légère hausse des demandes d’admission en STIM, sans doute inspirée par les efforts des scientifiques et des communautés de santé publique durant la pandémie. De plus, les données sont claires :
par rapport aux autres domaines, un diplôme en STIM est associé à 15 000 $ de plus en salaire en moyenne. De plus, bien qu’il n’y ait pas, en ce moment, de grandes pénuries de main-d’œuvre dans la plupart des branches des STIM, la situation est appelée à changer compte tenu de l’augmentation des besoins et des départs à la retraite. C’est pourquoi de nombreuses organisations canadiennes sont en recrutement et travaillent à bâtir une main-d’œuvre hétérogène et inclusive pour répondre aux besoins de l’avenir.  

Le problème des STIM

Au Canada, les emplois en STIM, surtout les postes de direction, sont encore surtout occupés majoritairement par des hommes blancs. Selon Statistique Canada : 

  • Les hommes représentent 75 % de la population active et les femmes, 25 %, même si elles forment 50 % de la population.
  • Les personnes nées au Canada représentent 66 % de la population active, contre 34 % d’immigrants et immigrantes.
  • La population active est composée à 75 % de personnes qui ne sont PAS issues de minorités visibles et de 25 % de personnes issues de minorités visibles.
  • Les peuples autochtones représentent seulement 1 % des travailleurs et travailleuses dans le domaine des STIM. 

Or, ces chiffres ne révèlent qu’une partie de l’histoire. En soi, ils représentent une équation sociétale qui n’explique pas pourquoi il y a si peu de diversité dans les STIM, surtout en enseignement et dans les postes de direction. Les universités et collèges canadiens déploient des efforts admirables pour recruter des étudiants et étudiantes d’horizons divers dans leurs programmes, mais l’inclusion des autres genres et origines ethniques chute drastiquement après l’obtention du grade/diplôme. Beaucoup estiment que les personnes qui n’appartiennent pas au groupe dominant (hommes blancs) n’ont pas accès aux emplois, et encore moins aux postes de haute direction dans le domaine, ce qui amène de nombreuses personnes à en sortir prématurément.

Un besoin de diversité et d’inclusion

Malheureusement, une bonne partie des preuves relatives aux obstacles à la diversité et à l’inclusion sont anecdotiques. On sait toutefois que les femmes et les personnes autochtones, noires, de couleur ou appartenant à la communauté LGBTQ+ interrompent leurs études faute de mentorat, d’encouragements et de modèles à qui s’identifier. Ceci mène à la même dynamique qui domine le domaine des STIM depuis des années : une cohorte majoritairement mâle et blanche décide quels projets de recherche iront de l’avant.  

Vers l’inclusion

Or, certains Canadiens et Canadiennes travaillent à changer les choses et à amorcer une nouvelle ère en STIM sous le signe de la diversité et de l’inclusion. En voici un bon exemple. 

La professeure Maydianne Andrade et le Réseau canadien des scientifiques noirs

La professeure Maydianne Andrade, de l’Université de Toronto, a vécu un moment marquant après la première cérémonie de collation des grades pour les personnes noires organisée par des étudiants et étudiantes de l’Université de Toronto. Une diplômée en neuroscience est venue la voir, les larmes aux yeux. L’étudiante l’a remerciée de fidèlement représenter la communauté noire dans un environnement qu’elle a décrit comme étant très faible en diversité culturelle. Cette rencontre a beaucoup marqué la professeure. « L’étudiante m’a dit qu’elle avait toujours l’impression de détonner, d’être une intruse, comme si elle n’avait pas sa place, et que ça faisait quatre ans qu’elle voulait me parler », dit-elle. La professeure Andrade, qui ne se voyait pas comme un modèle, a graduellement pris conscience du rôle de leadership qu’elle pouvait jouer dans la vie de jeunes scientifiques noirs. « Quand on entend ça, il faut se rendre à l’évidence : la représentation est importante », conclut-elle. Cette rencontre a décidé cette spécialiste de la biologie évolutive à fonder le Réseau canadien des scientifiques noirs (www.blackscientists.ca). L’organisme aide les personnes noires au Canada à reconnaître la place qui leur revient dans la communauté scientifique.  

La professeure Andrade n’est pas la seule à contribuer aux efforts collectifs pour répondre à l’appel à la diversité et à l’inclusion en STIM. La multinationale 3M a récemment publié son Indice annuel de l’État de la science. La majorité des personnes qui ont participé au sondage, réalisé aussi au Canada, croient que la diversité dans les STIM mène à l’innovation. En fait, la moitié est d’avis que la diversité dans la main-d’œuvre en STIM ouvre les portes du commerce international et que la collaboration entre des personnes d’horizons divers mène à des idées originales et innovantes. Soixante-huit pour cent des Canadiens et Canadiennes ont aussi reconnu que les groupes minoritaires sous-représentés n’ont souvent pas un accès égal à la formation en STIM. Par conséquent, 3M recommande certains changements dans les pratiques de formation et d’embauche en STIM :

  • Changer la façon dont les STIM sont enseignées et accessibles au Canada en créant du matériel pédagogique qui va au-delà de la perspective eurocentrique.
  • Passer de modèles à champions. Un modèle montre l’exemple. Un champion fournit les occasions et les moyens de réussir. 
  • Partager la responsabilité de faire corroborer les mots par les actions en veillant au respect des engagements envers le changement. 

Les personnes qui militent pour la diversité et l’inclusion en STIM tendent à souligner le besoin évident de changer les choses, changements qui semblent souvent trop lents à survenir. « Nous devons reconnaître différents cadres de référence dans la création de matériel pédagogique et concevoir un système qui appuie et rejoint diverses visions du monde », a déclaré Doug Dokis, directeur du programme national Les jeunes autochtones en STIM d’Actua. « Depuis des décennies, la formation en STIM met l’accent sur les philosophies et les perspectives occidentales. Il est temps de repenser l’enseignement des STIM pour tenir compte de toutes les façons de penser. » Vanessa Raponi, fondatrice d’EngiQueers et ingénieure en développement de produits, est bien d’accord : « Il est important que les jeunes puissent se reconnaître dans la communauté scientifique et avoir des champions dans leur vie qui soutiennent leurs objectifs. Pour ce faire, nous devons guider les jeunes sur le chemin d’une carrière en STIM et leur montrer que c’est possible, qu’il y a des occasions pour les gens comme eux et qu’il existe des programmes de soutien, des éducateurs et des champions en cours de route qui les aideront à trouver un éventail infini de possibilités. »

Les conseillers et conseillères d’orientation et les STIM

Les conseillers et conseillères d’orientation ont un rôle critique à jouer dans l’égalité d’accès aux STIM. Voici quelques points à garder à l’esprit pour assurer l’inclusion des personnes d’horizons divers dans les programmes en STIM :

  • Réfléchissez à vos biais inconscients. Lors de vos rencontres avec vos élèves, prenez conscience de vos pensées. De bonnes questions à vous poser : êtes-vous en train d’écarter une femme des STIM? De décourager une personne autochtone, noire ou de couleur de se diriger en STIM? D’encourager des membres de la communauté LGBTQ+ à éviter les STIM? N’oubliez pas qu’il s’agit ici de biais inconscients. À votre prochaine consultation, prenez simplement conscience de vos pensées pour vérifier que votre idée d’un bon profil pour une carrière en STIM n’est pas basée sur des préjugés inconscients. 
  • Sachez que plusieurs chemins mènent aux STIM. Les conseils d’orientation relatifs à l’enseignement postsecondaire sont encore trop souvent guidés par les notes. Or, de nombreux chemins peuvent mener à une carrière en STIM. Demandez-vous s’il existerait un projet d’année sabbatique, du bénévolat ou un programme postsecondaire qui, sans représenter une voie directe vers les STIM, permettrait à l’élève de s’épanouir, d’apprendre et, surtout, de ne pas abandonner son rêve de STIM. 
  • Cherchez des ressources. La diversité et l’inclusion en STIM sont une priorité pour de nombreux collèges, universités et employeurs du Canada. Il existe d’abondantes ressources pour sensibiliser les élèves au besoin de diversité dans les STIM (voir STEM Fellowship, par exemple : https://stemfellowship.org/). Bon nombre d’organisations offrent aussi des programmes pour encourager les élèves de divers horizons à poursuivre une carrière en STIM (voir par exemple la liste des programmes de STIM de l’Université de l’Alberta au : https://www.ualberta.ca/services/wisest/high-school-students/stem-programs-for-high-schools.html). Intégrez la recherche de tels programmes à vos rendez-vous d’orientation. 

La diversité et l’inclusion en société sont aujourd’hui une priorité au Canada. Le cycle des nouvelles tient ce sujet au sommet des préoccupations. En y mettant un peu d’efforts, on pourra faire en sorte que les Canadiens et Canadiennes de tous les genres, groupes et races aient accès à des carrières depuis longtemps dominées par certains groupes. La diversité est une de nos forces comme pays. Espérons que la situation est en train d’évoluer pour que la diversité imprègne tous les aspects de notre société. 


Par : Sean Dolan