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Les femmes et les STIM

C’est un fait que les femmes du monde entier n’en peuvent plus d’entendre…

Encore aujourd’hui, l’écart entre les sexes penche en faveur des hommes, réalité désolante à laquelle n’échappent pas les carrières en STIM (science, ingénierie, technologie et mathématiques).

Or, compte tenu des futurs besoins en main-d’œuvre en STIM, il est temps pour le Canada d’encourager les femmes et les personnes d’horizons divers à investir le domaine.

Deux exemples éloquents

En dépit des efforts déployés en ce moment pour attirer l’attention sur l’écart entre les hommes et les femmes en STIM (75 % d’hommes et 25 % de femmes), les progrès pour corriger la situation sont désespérément lents. Voici deux exemples éloquents qui illustrent pourquoi cet écart existe.  

L’histoire de Farah Alibay

Après avoir écouté le film Apollo 13, la jeune Farah Alibay a su qu’elle voulait travailler à la NASA un jour. Elle n’avait que huit ans. Fille d’immigrants établis dans une petite ville du Québec, elle n’aurait pas la tâche facile. Même si la jeune Farah avait une excellente éthique de travail et des notes exceptionnelles, sa conseillère d’orientation lui a déconseillé le génie, arguant que la profession était dominée par les hommes et qu’elle n’arriverait pas à faire sa place. 

Faisant fi de ces conseils, Farah Alibay a redoublé d’efforts pour réaliser son rêve de travailler à la NASA. Elle a fini par entrer dans le programme spatial et décrocher un poste au Jet Propulsion Lab de la NASA en Californie. En 2021, elle a fait partie de l’équipe de génie des systèmes qui a piloté le rover Perseverance après l’atterrissage réussi de la mission Mars 2020 sur la planète rouge. Bien que Farah Alibay soit un modèle de réussite, on peut tout de même se demander ce qui serait arrivé si elle avait abandonné son rêve au secondaire comme on le lui avait conseillé… 

Une étude de Yale

En 2012, l’Université Yale a réalisé une étude sur les biais liés au genre dans les pratiques d’embauche des universités. L’équipe de recherche a demandé à des professeurs de sciences (hommes et femmes) d’évaluer une candidature de diplômé récent pour un poste de gestionnaire de laboratoire et de faire une recommandation. La moitié d’entre eux ont reçu une candidature portant un nom d’homme et l’autre moitié, une candidature identique, mais portant un nom de femme. Tant les hommes que les femmes ont systématiquement donné une note plus élevée au candidat plutôt qu’à la candidate, même à compétences identiques. Ils se sont aussi montrés prêts à payer l’homme davantage et à offrir de le mentorer. 

Les biais qui désavantagent les femmes

Ces deux exemples illustrent bien comment les biais institutionnels et sociétaux tiennent les femmes à l’écart des STIM. Dans le cas de Farah Alibay, la conseillère a presque privé une des ingénieures les plus accomplies du Canada d’une carrière exemplaire à la NASA. N’écoutant que sa détermination, Farah Alibay a rejeté ces conseils et a surmonté les obstacles sur son chemin pour faire partie de l’équipe qui a permis au rover Perseverance d’explorer la planète Mars et de recueillir de précieuses données pour la communauté scientifique sur Terre. L’étude de Yale révèle non seulement les biais dans les pratiques d’embauche, mais explique peut-être aussi pourquoi les femmes ne postulent pas des postes en STIM, et en particulier des postes de direction. Pourquoi postuler quand on se sait désavantagée par le système? Comment faire échec aux biais inconscients des employeurs? Comment surmonter nos propres biais inconscients qui, intégrés à un jeune âge, nous disent que les femmes et les STIM sont incompatibles?

Les temps changent

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a des changements à l’horizon. Dans son discours au Sommet sur le genre à Montréal, la Dre Mona Nemer, conseillère scientifique en chef du Canada, a parlé des obstacles qu’elle a dû surmonter durant sa carrière en tant que femme et immigrante libanaise, et a proposé un plan en trois points pour changer la situation. Selon la Dre Nemer, si le Canada souhaite combler l’écart hommes-femmes en STIM, il doit prendre les moyens suivants :

  • Il faut changer nos façons de penser. Le processus d’admission aux programmes de STIM ne peut reposer sur les mêmes critères qui ont jadis présidé à la création du modèle dominé par les hommes. Par exemple, certaines personnes se voient refuser l’admission faute d’expérience de bénévolat ou de leadership dans leur CV, souvent parce qu’elles ont dû travailler pour financer leurs études. En faisant des changements qui tiendraient compte de la diversité des situations culturelles et économiques, on pourrait aider les femmes et les personnes racisées à intégrer le domaine des STIM.* 
  • Le changement doit être intentionnel. « Augmenter le nombre et l’influence des femmes et des autres membres des groupes sous-représentés dans les [STIM] exige des efforts concertés de l’ensemble de la société — gouvernements, organismes scientifiques, organismes subventionnaires de recherche et établissements d’enseignement », indique la Dre Nemer. Autrement dit, les changements doivent être intentionnels, systémiques et systématiques.
  • Le mentorat et les modèles sont importants. Il a été amplement démontré que lorsque les femmes et les filles peuvent s’inspirer d’autres femmes comme modèles et mentores, le taux d’inclusion dans les STIM augmente considérablement. C’est pourquoi le milieu du génie a adopté l’initiative 30 en 30, qui a pour objectif de porter à 30 % le taux d’ingénieures d’ici 2030. Selon les experts, une fois ce seuil critique atteint, le nombre de femmes en génie grimpera en flèche.

*Dans son discours au Sommet sur le genre, la Dre Nemer a donné l’exemple suivant pour illustrer le changement de mentalité nécessaire pour tenir compte du point de vue des femmes dans la société : « L’image que nous projetons est importante. Et c’est pourquoi nous devons nous assurer que nos politiques, nos procédures et nos approches favorisent le développement et la promotion de modèles de rôle dans tous les domaines des STIM. À cet égard, je pense que regrouper les congés de maternité et les congés familiaux aux congés de maladie dans nos politiques n’est pas un choix idéal : après tout, la maternité n’est pas une maladie! »

L’American Association of University Women (aauw.org), quant à elle, propose ce plan en cinq étapes :

  1. Donner confiance. Les parents, les enseignants et les conseillers d’orientation sont encouragés à dissiper le mythe que les femmes ne sont pas faites pour les STIM. Il n’existe en effet aucune donnée en ce sens. Il faut plutôt activement promouvoir et encourager les étudiantes à poursuivre une carrière en STIM. 
  2. Prioriser les STIM chez les filles, de la maternelle au secondaire. Il faut mettre un plan en place pour intéresser les filles aux STIM dès leur tout jeune âge jusqu’à la fin du secondaire. Il faut cibler spécifiquement ces élèves pour des études en STIM grâce à des programmes qui les aideront à réaliser leur potentiel. 
  3. Encourager les femmes à faire des études postsecondaires en STIM. Au Canada, les femmes représentent 34 % des étudiants en STIM, même si elles forment 50 % de la population. Ce chiffre augmentera si les femmes sont davantage encouragées à choisir les STIM et ont plus d’occasions de le faire.
  4. Favoriser la persévérance des femmes en STIM. Bien que les programmes de STIM comptent 34 % de femmes, moins de 25 % font carrière dans ce domaine. Les collèges et universités devraient se demander si leurs programmes contribuent à ce décrochage et trouver des façons d’encourager les femmes à rester en STIM.
  5. Presser les entreprises de STIM de recruter, embaucher et promouvoir des femmes. Il s’agit là d’un point important : la première raison, pour les femmes, de ne pas poursuivre une carrière en STIM est le manque de modèles féminins dans le domaine et l’idée que leur genre limite leurs perspectives de carrière. 

Que peuvent faire les conseillers et conseillères d’orientation au secondaire?

Alors que le discours public sur les femmes en STIM prend de l’ampleur, différentes organisations travaillent à concrétiser les plans mis en avant par des personnes comme la Dre Mona Nemer et des organismes comme l’American Association of University Women. Par exemple, la Society of Canadian Women in Science and Technology1 et Innovating Canada2.

militent passionnément en faveur des femmes en STIM. Le gouvernement du Canada fait aussi la promotion du rôle des femmes en STIM (voir « Les Canadiennes dans le domaine des STIM3 ».)Entre-temps, divers collèges et universités font la promotion de programmes pour attirer les femmes en STIM, comme STEM for Girls de l’Université de Waterloo4 et Women in Science and Engineering de l’Université de Calgary5. Les conseillers et conseillères d’orientation n’ont qu’à entrer les mots-clés « femmes STIM Canada » dans un moteur de recherche pour accéder à une foule de programmes visant à orienter leurs étudiantes vers des études et des carrières en STIM.

Il semble que les changements attendus depuis longtemps s’amorcent tranquillement. Alors que la société canadienne entreprend de répondre concrètement à l’appel en faveur de la diversité et de l’inclusion, le visage de la main-d’œuvre changera pour mieux refléter qui nous sommes collectivement. Les femmes seront sans aucun doute au premier plan de ce changement. 

Par : Sean Dolan


Références : 
1 https://scwist.ca/
2 https://www.innovatingcanada.ca/campaigns/women-in-stem-2020/#
3 https://www.ic.gc.ca/eic/site/063.nsf/fra/h_97413.html)
4 https://uwaterloo.ca/stem-opportunities-girls/
5 https://www.uofcwise.com/