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La tricherie : Le qui et le quoi

Les jeunes de la génération numérique sont insatiables et beaucoup se servent de leurs habiletés technologiques pour tricher afin d’avoir de bonnes notes. C’est du moins le constat que tirent un nombre croissant de professeurs qui s’inquiètent de l’état actuel de l’apprentissage.

Évidemment, l’intérêt pour la tricherie a atteint de nouveaux sommets durant la pandémie. Pendant que les cours se donnaient en ligne et à distance, les étudiants ont trouvé toutes sortes d’astuces pour court-circuiter leur apprentissage. Certaines étaient prévisibles. Les enseignants n’étant pas en mesure de les surveiller à distance, certains étudiants en profitaient pour se texter et se téléphoner pendant les examens et les tests. D’autres, nombreux, se sont tournés vers des sites et des applis d’« aide aux devoirs », et d’autres encore payaient quelqu’un pour faire leurs travaux à leur place. Quand les écoles ont rouvert après la crise sanitaire mondiale, la tricherie était devenue une pandémie à part entière.

Le problème

L’un des principaux problèmes avec la tricherie (hormis les enjeux éthiques évidents de cette pratique), c’est que c’est devenu la norme. Selon certaines estimations, 95 % des étudiants admettent avoir triché d’une manière ou d’une autre. Plus de la moitié des étudiants admettent avoir plagié tout ou partie de leurs travaux écrits, et autant disent avoir triché à un test. Bref, un nouveau modèle de comportement est apparu chez de nombreux étudiants; un modèle où la tricherie est acceptée, encouragée et valorisée.

Qu’est-ce que la tricherie?

Dans le milieu de l’enseignement, il ne semble pas y avoir de consensus sur ce qui constitue un cas de malhonnêteté ou de faute. Supposons par exemple qu’un étudiant consulte un site d’aide aux devoirs pour vérifier sa solution au problème de mathématiques sur lequel il travaille. Certains diront qu’il s’agit ici d’un prolongement logique de son apprentissage – après tout, l’étudiant a travaillé individuellement sur le problème avant de se tourner vers Internet. D’autres, cependant, assimileront cette pratique à de la tricherie puisque l’étudiant court-circuite le processus d’apprentissage en s’aidant d’une source en ligne. De même, de nombreux étudiants jugent légitime de « copier-coller » des passages d’articles qu’ils ont lus et consultés, et leurs parents se porteront souvent à leur défense si un enseignant leur reproche d’avoir agi ainsi. Pour les professeurs, cette pratique constitue purement et simplement du plagiat. On ne peut pas s’approprier les écrits d’autrui.

Et les professeurs ont beaucoup de mal à faire comprendre aux étudiants (et à leurs parents) la fine ligne qui sépare l’honnêteté de la tricherie. Si rien n’est fait pour agir contre certaines pratiques (comme le plagiat), de nombreux enseignants et intervenants scolaires craignent une pente glissante qui ne ferait qu’exacerber encore davantage le problème de la tricherie. 

Pourquoi tricher?

Des chercheurs ont découvert trois grandes raisons qui poussent de nombreux étudiants à tricher. Voyons ce qu’il en est…

Ils trouvent un prétexte pour se justifier

Les étudiants qui se justifient d’avoir triché choisissent de minimiser les conséquences morales de leur comportement sur leur image d’eux-mêmes. Sous prétexte d’avoir « simplement besoin d’un coup de pouce », ils se tourneront vers des sources en ligne pour avoir de l’aide ou demanderont à un ami de leur envoyer par texto la réponse à une question de leur devoir. En choisissant cette voie, ils risquent de se retrouver sur cette pente glissante. Sous prétexte que « tout le monde le fait », ils se mettent à se texter durant les tests ou à recopier les réponses trouvées sur les sites consultés. Quels que soient les motifs de son choix de tricher, l’étudiant a trouvé le moyen de justifier son comportement et estime que la tricherie est un complément acceptable à son cheminement scolaire. D’ailleurs, de nombreux étudiants ne pensent même pas tricher lorsqu’ils le font. Selon le professeur David Rettinger, spécialiste de l’intégrité intellectuelle à l’Université de Mary Washington, la plupart des étudiants « […] trichent juste assez pour se considérer encore comme des personnes honnêtes. Ils voient leur comportement comme une exception à une règle générale. » De nombreux étudiants pensent qu’ils n’ont pas le choix de tricher (s’ils veulent bien admettre que c’est bien ce qu’ils font) pour rester dans la course.

Ils veulent sortir du lot

La concurrence est forte entre les étudiants, et certains voient la tricherie comme le meilleur moyen de sortir du lot. La grande importance que les professeurs accordent à de nombreux résultats d’apprentissage pousse les étudiants à s’enlever de la pression ou à sous-traiter leurs travaux pour se donner une longueur d’avance. Ils voient la tricherie comme un moyen d’aller chercher de meilleures notes et d’améliorer leurs options postsecondaires. Par exemple, si un collège ou une université exige que les candidats à un programme aient obtenu une note minimale (disons 85 %) en mathématiques, ceux qui ne sont pas aussi doués en mathématiques pourraient se tourner vers des écoles privées (entreprises?) qui gonflent les notes ou des sources en ligne (dont les services sont souvent offerts par abonnement) qui donnent les solutions aux problèmes étape par étape. Parfois, les étudiants demanderont simplement à leurs amis de faire leurs devoirs à leur place et de leur texter les réponses (sur leur téléphone ou leur montre!) pendant les tests. Les tricheurs agissent en toute connaissance de cause, dans le but de prendre tirer leur épingle du jeu dans le monde impitoyable et concurrentiel des études supérieures.

La tricherie est devenue la norme

En fin de compte, la tricherie est devenue une pratique tellement répandue qu’elle fait désormais partie de la culture universitaire. Il y a deux raisons à cela : 1) Les étudiants n’ont apparemment pas tous la même définition de ce qui constitue de la tricherie; 2) Presque tout le monde le fait!

Comment définir la tricherie? Pour de nombreux étudiants et parents, les sites comme PhotoMath et Chegg (voir encadré) sont de précieuses ressources d’aide aux devoirs qui permettent aux étudiants d’arriver à la bonne réponse. Les professeurs estiment plutôt que ces applis et sites sont des raccourcis qui privent les étudiants de la possibilité d’apprendre la matière par eux-mêmes, avec leur aide. D’un côté, les parents et les étudiants considèrent ces applis et sites comme des outils éducatifs. De l’autre, les professeurs voient ces ressources comme des raccourcis qui nuisent à l’apprentissage. À l’évidence, les deux parties ne voient pas ces ressources de la même façon.

Si les cas de tricherie se multiplient, c’est peut-être parce que personne ne s’entend sur ce qui constitue de la tricherie. De nombreux étudiants mettent tout en œuvre pour progresser dans leurs études. S’ils doivent pour cela ouvrir un compte sur PhotoMath ou Chegg, ils n’hésiteront pas à le faire. PhotoMath se targue de compter 6,5 millions d’utilisateurs mensuels, tandis que Chegg prétend avoir 7,8 millions d’abonnés. Ces chiffres corroborent l’idée communément admise que la tricherie peut s’avérer contagieuse, et les étudiants du secondaire, qui succombent facilement à l’effet d’entraînement, ont tendance à se tourner vers de tels sites parce que c’est apparemment ce que tout le monde fait.

Les pratiques de tricherie

Les étudiants trichent essentiellement de trois façons. Voyons ce qu’il en est :

  • L’« Aide aux devoirs »

L’aide aux devoirs peut prendre différentes formes, dont la recopie d’un travail fait par un ami et l’utilisation d’un service (comme PhotoMath ou Chegg) pour trouver réponse aux questions. Soulignons que les services en ligne d’aide aux devoirs génèrent des revenus annuels de plus d’un milliard de dollars au Canada et d’environ 12 milliards aux États-Unis.

  • Le couper-coller

Souvent, l’étudiant présentera comme sien un texte pris sur un site Web ou coupé-collé d’un site d’aide aux devoirs. Il s’agit probablement de la forme la plus courante de tricherie, et de nombreux étudiants n’y voient rien de mal.

  • La tricherie contractuelle

La tricherie contractuelle, c’est quand un étudiant demande à quelqu’un (ou à une entreprise) de faire un devoir ou un examen à sa place, souvent contre rétribution. C’est la forme de tricherie qui cause le plus de maux de tête aux professeurs. Cette pratique est devenue si répandue en Irlande, en Australie et en Nouvelle-Zélande que ces pays l’ont criminalisée. Au Canada, la tricherie contractuelle existe depuis des dizaines d’années et connaît un essor fulgurant sous l’impulsion des avancées technologiques et de l’Internet.

S’attaquer au problème

Heureusement, beaucoup d’enseignants utilisent déjà des solutions efficaces pour combattre le fléau de la tricherie. Vous pouvez les épauler en leur proposant quelques stratégies s’ils vous demandent conseil.

  • Suggérez-leur d’utiliser un programme de détection du plagiat comme TurnItIn ou SafeAssign pour les travaux écrits. Ces plateformes sont très efficaces pour démasquer les étudiants qui plagient.
  • Suggérez aux professeurs que les étudiants fassent leurs travaux en classe, devant eux. Il peut être bon également de fixer une limite de temps pour la réalisation de certaines tâches, en prenant soin d’adapter ces limites pour les étudiants ayant des besoins d’apprentissage particuliers.
  • Recommandez-leur de créer des banques de tests et diverses versions des tests et des devoirs.
  • Proposez aux professeurs de créer des expériences d’apprentissage faisant appel à la métacognition (réflexion sur la réflexion), qui éloigne les étudiants des réponses simples. Il est plus facile de tricher lorsqu’il n’y a qu’une seule réponse possible.

Vous pouvez aussi suggérer fortement aux étudiants de résister à la tentation de la triche. L’une des choses les plus importantes (et les plus faciles!) que vous pouvez faire est d’alléger la pression et d’arrêter d’insister autant sur l’importance de chaque résultat d’apprentissage. Les étudiants s’imposent déjà du stress; ils n’ont pas besoin qu’un adulte bienveillant vienne en rajouter en leur donnant l’impression que tout est d’une importance capitale. L’apprentissage est un processus. Encouragez les étudiants à cheminer calmement et progressivement vers leurs objectifs d’apprentissage. Prenez soin de les féliciter pour leurs efforts et évitez de faire comme s’il n’y a que les notes qui comptent. Enfin, inspirez-les par votre exemple à choisir l’honnêteté, l’honneur et l’intégrité et sensibilisez-les à ces précieux traits de caractère quand vous les rencontrez.

Il ne fait guère de doute que la tricherie est là pour rester et que les avancées technologiques (dont l’IA) donneront toujours une longueur d’avance aux tricheurs. Cela dit, si les professeurs s’employaient principalement à créer des expériences d’apprentissage enrichissantes et à susciter l’adhésion de leurs étudiants dans la démarche, les tricheurs n’iraient pas bien loin.

Quelques plateformes prisées par les tricheurs

D’innombrables options s’offrent aux étudiants; en voici quelques-unes.

Mathématiques 
PhotoMathL’étudiant soumet la photo d’une équation mathématique et l’appli lui renvoie gratuitement la solution étape par étape. L’abonnement payant donne accès aux mises à niveau.
MathwayL’étudiant soumet la photo d’un problème mathématique et l’appli lui renvoie la solution. Pour voir les étapes, l’étudiant doit s’inscrire et payer les frais.
CyMathL’étudiant peut se servir de cette appli pour trouver les solutions à des problèmes d’algèbre.
Wolfram/AlphaCette appli permet à l’étudiant d’obtenir les solutions à ses problèmes de mathématiques ainsi que les étapes pour y arriver, mais il faut acheter la version pro pour aller plus loin.
Littérature 
SparknotesUne mine d’informations sur tout ce qui touche à la littérature : descriptions d’intrigues, analyses de personnages, etc. Sparknotes se veut l’équivalent en ligne des anciens livres Cliff Notes qui circulaient avant l’avènement d’Internet. Dans le même genre, il y a aussi Schmoop et LitChart, entre autres.
Plateformes multidisciplinaires 
CheggCe service par abonnement payant donne accès à une base de questions-réponses construite à partir de manuels, de tests et d’examens. Il permet de trouver des réponses précises à des questions précises, ce qui, de l’avis de nombreux professeurs, court-circuite le processus d’apprentissage.
Course HeroCette banque de données réunit des tests, des questions de devoirs, des réponses à des questions de manuels scolaires et des notes de cours. Le contenu est soumis par les abonnés pour créer une communauté d’apprenants. Or, ces mêmes ressources peuvent être utilisées pour reproduire des travaux et trouver des réponses faciles à des questions qui reviennent souvent ou qui ont déjà été posées en classe, dans un manuel ou dans un test.

Quelques plateformes prisées par les tricheurs

D’innombrables options s’offrent aux étudiants; en voici quelques-unes.

PhotoMath
L’étudiant soumet la photo d’une équation mathématique et l’appli lui renvoie gratuitement la solution étape par étape. L’abonnement payant donne accès aux mises à niveau.

Mathway
L’étudiant soumet la photo d’un problème mathématique et l’appli lui renvoie la solution. Pour voir les étapes, l’étudiant doit s’inscrire et payer les frais.

CyMath
L’étudiant peut se servir de cette appli pour trouver les solutions à des problèmes d’algèbre.

Wolfram/Alpha
Cette appli permet à l’étudiant d’obtenir les solutions à ses problèmes de mathématiques ainsi que les étapes pour y arriver, mais il faut acheter la version pro pour aller plus loin.

Littérature

Sparknotes
Une mine d’informations sur tout ce qui touche à la littérature : descriptions d’intrigues, analyses de personnages, etc. Sparknotes se veut l’équivalent en ligne des anciens livres Cliff Notes qui circulaient avant l’avènement d’Internet. Dans le même genre, il y a aussi Schmoop et LitChart, entre autres.

Plateformes multidisciplinaires

Chegg
Ce service par abonnement payant donne accès à une base de questions-réponses construite à partir de manuels, de tests et d’examens. Il permet de trouver des réponses précises à des questions précises, ce qui, de l’avis de nombreux professeurs, court-circuite le processus d’apprentissage.

Course Hero
Cette banque de données réunit des tests, des questions de devoirs, des réponses à des questions de manuels scolaires et des notes de cours. Le contenu est soumis par les abonnés pour créer une communauté d’apprenants. Or, ces mêmes ressources peuvent être utilisées pour reproduire des travaux et trouver des réponses faciles à des questions qui reviennent souvent ou qui ont déjà été posées en classe, dans un manuel ou dans un test.


By: Sean Dolan