La GSA (Gay Straight Alliance – Alliance gay-hétéro) bénéficie d’une grande popularité dans notre école. C’est Mme Schol, notre professeure de technologie qui l’anime. Les élèves, quant à eux, s’occupent de sa gestion. L’objectif? Permettre aux jeunes LGBTQ+ et à leurs alliés de se regrouper pour créer une communauté et s’organiser autour des problèmes qui les touchent à l’école, dans leurs milieux1. La GSA fonctionne les lundis après les cours. Au fil des ans, l’engagement et la participation des élèves ne cessent de croître. Habitée par une formidable empathie, Mme Schol dirige le club avec son cœur, son âme et une immense compassion. Il n’est dès lors pas surprenant de voir les élèves graviter autour du club, parler de leurs expériences, évoquer leurs difficultés avec leur famille et leurs pairs, accomplir un excellent travail de sensibilisation et devenir des alliés.
Nos élèves tissent avec Mme Schol un lien qui, pour nombre d’entre eux, serait impossible à établir avec les adultes de leur entourage. Mme Schol n’est pas seulement une fabuleuse enseignante, une responsable GSA bienveillante et compatissante. C’est aussi une mère extraordinaire pour son enfant transgenre. Lorsque j’ai rencontré Mme Schol pour discuter de son parcours à la tête de la GSA, elle m’a tout naturellement parlé de son enfant, Kai, et de leur cheminement. Comme mère, elle est très ouverte et accepte totalement l’expérience de Kai. Comme collègue, je vois l’amour qu’elle porte à tous nos élèves : il rayonne à travers elle. Au cours de notre entretien, Mme Schol m’a parlé des expériences de nos élèves avec leurs parents et les a mises en parallèle avec la façon dont elle et son mari défrichent le terrain et guident leur fils transgenre. Cela ne fait aucun doute, Mme Schol y tient : nos élèves doivent pouvoir compter sur un allié, s’entourer d’adultes bienveillants, dans un espace scolaire sûr. Mme Schol ne tolère pas qu’un seul enfant puisse se sentir seul; elle aborde nos élèves et ses propres enfants dans un esprit d’espérance et d’acceptation.
Au cours de notre entrevue, Mme Schol m’a décrit ce que vivent nos élèves, à commencer par les transitions sociales et les morinoms. La transition sociale, pour un enfant qui s’identifie comme transgenre, consiste à passer à travers toutes les étapes, exception faite des procédures médicales. Qui dit transition sociale dit changement de l’expression de genre pour aller vers celui que l’on ressent comme étant le sien. La progression s’avère parfois lente : il s’agit de porter de nouveaux vêtements, de changer de coiffure, de nom. L’enfant de Mme Schol, Kai, a commencé par s’habiller en garçon et s’est alors rendu compte à quel point iel aimait qu’on le prenne pour un garçon. Ce processus a commencé à l’âge de cinq ans. Transition sociale rime aussi avec changement de nom : l’enfant transgenre choisit un nom qui, selon lui, reflète davantage son identité. En consultation, de nombreux élèves en transition sociale nous confient leur nom préféré. Nous honorons leur choix et utilisons ce nom en classe, lorsque nous parlons avec eux, avec le personnel et leurs parents. Nous l’enregistrons dans notre système pour qu’il apparaisse sur leur emploi du temps. Une fois que l’élève a choisi son nom préféré, le nom que ses parents lui ont donné à la naissance devient un morinom.
L’un des membres de la GSA de Mme Schol, Tyler, élève de 12e année, est un jeune homme transgenre. Ses pronoms : « il/iel ». Il avance lentement dans sa transition sociale. Le parcours de Tyler diffère de celui de Kai. Depuis son plus jeune âge, Tyler sait qu’il veut être un garçon. Mais ce n’est que pendant la Covid, alors qu’il étudiait en 10e année, qu’il a commencé à côtoyer des amis transgenres. Tyler ne savait rien, alors, des questions d’identité. Il s’est lié d’amitié avec des camarades appartenant à un groupe LGBTQ+ virtuel. À cette époque, Tyler s’identifiait comme une personne cisgenre. En parlant avec ses amis trans, il a réalisé qu’il partageait de nombreuses caractéristiques avec eux. Comme première étape de sa transition sociale, Tyler a changé ses pronoms. Au début, il voulait tous les utiliser : « il/elle/iel ». Mais à la fin de la 10e année, il s’est rendu compte qu’il ne se sentait plus à l’aise avec le pronom « elle ». Il a donc opté pour « il/iel ». Ses amis l’ont aidé dans cette démarche : ils l’ont accepté et soutenu.
Bon nombre de nos jeunes transgenres font face à des adultes et à des pairs aux opinions tranchées sur leur démarche. Mme Schol – défenseure et alliée – leur rappelle, ainsi qu’à nous tous, qu’il n’est pas approprié, comme adulte, d’engager une discussion avec un élève sur son corps ou ses choix. C’est une période compliquée dans la vie d’un enfant; il a besoin de soutien, de compréhension, de compassion de la part de ses camarades et des adultes qui l’entourent. Pas de jugement.
Mme Schol et son mari avaient remarqué que leur enfant, Kai, s’intéressait aux questions de genre. Entre la maternelle et la première année, Kai a commencé à faire des crises de colère, dont certaines l’amenaient dans des endroits sombres, remplis de questions : « Pourquoi est-ce que je vis? Pourquoi suis-je ici? » Ce que Mme Schol et son mari apprenaient sur l’exploration de l’identité de genre s’avérait tout à fait pertinent pour le développement de Kai. En raison de ses problèmes d’attention, Kai a fait l’objet d’une évaluation psychologique. Résultat : il est très doué, ce qui n’étonne en rien Mme Schol et son mari; ils savaient que Kai ressentait tout avec une grande intensité et que sa nature le portait à l’introspection. En première année, Kai a décidé de ne plus porter de robes. Il avait carte blanche pour s’habiller comme bon lui semblait. En deuxième année, il a commencé à se couper les cheveux. Lorsqu’il a opté pour des cheveux très, très courts, on l’a pris pour un garçon. À partir de là, le rythme de la transition sociale s’est accéléré. Entre la deuxième et la troisième année, Kai a déclaré qu’iel était queer. En quatrième année, iel a affirmé son orientation de genre – non binaire – auprès de ses camarades de classe et de sa famille élargie. Iel a commencé à utiliser son nouveau nom (une forme abrégée du nom qu’on lui avait donné à la naissance) et le pronom « iel ». Le personnel enseignant et les camarades de Kai l’ont accepté, tout comme ses parents. En septembre dernier, Kai a commencé sa sixième année dans une nouvelle école, dans le cadre d’un programme pour jeunes surdoués, et a profité de l’occasion pour utiliser le pronom « il » et être ainsi reconnu comme garçon plutôt que comme personne non binaire. Il a également demandé à ce que son identité transgenre reste confidentielle pour se réserver le droit d’en parler ou non quand bon lui semblerait. Même si on a utilisé son morinom sur la liste de présence le premier jour parce que l’administration n’avait pas transmis l’information à l’enseignant, le début de l’année scolaire s’est déroulé sans problème. Kai se sent respecté et soutenu, et a rencontré d’autres camarades LGBTQ+.
Mais revenons à l’expérience de Tyler. En 11e année, Tyler a commencé à utiliser son nom préféré. À cette époque, il a eu le courage de révéler à sa grande sœur qu’il était un jeune homme trans, ce à quoi celle-ci a très bien réagi, un énorme soulagement pour Tyler. C’est cette année seulement, en 12e année, que les parents de Tyler ont commencé à utiliser son nom préféré. Ils appuient ce changement même s’ils ne comprennent pas encore que Tyler est une personne transgenre. L’été dernier, les parents de Tyler ont commencé à utiliser son nom préféré avec les membres de la famille élargie. Tyler confie que ses oncles et tantes le critiquant et le taquinent à propos de son nom. Il s’inquiète de la réaction de sa famille élargie, dont les opinions sont bien tranchées. Pour se protéger, il avance lentement dans sa transition sociale et vient, après des années d’hésitation, de se couper les cheveux. Courts. C’est un grand pas pour Tyler qui voulait avoir l’air moins féminin. Lorsque je l’ai rencontré pour cet article, il m’a dit que la société accordait une grande importance aux cheveux. Tyler détestait les commentaires sur ses longs cheveux magnifiques. En les coupant, il a pris le contrôle sur cette partie de son identité.
On le voit bien : les parcours de Kai et de Tyler diffèrent totalement.
En tant que spécialistes des services de soutien, de l’éducation, et comme intervenants scolaires, parents et membres de la communauté, il nous incombe d’accueillir nos jeunes transgenres le cœur ouvert et débordant de compassion. Grandir s’accompagne de nombreux défis. S’identifier comme jeune trans complexifie encore ce parcours. Nous pouvons choisir la voie de l’espoir et du soutien, comme en témoigne Mme Schol au quotidien, ou faire défaut à nos élèves transgenres, que leur démarche vers leur identité réelle rend encore plus vulnérables. Je vous laisse avec le mantra de Mme Schol : La responsabilité de votre identité vous appartient. Mme Schol répète ce mantra aux membres de la GSA ainsi qu’à son propre enfant, Kai. Elle souhaite que tous nos élèves sentent qu’ils bénéficient de l’autonomie et du soutien nécessaires pour devenir des membres de la société en bonne santé, des participants actifs et bien adaptés. La reconnaissance de leur identité y contribue grandement. La responsabilité de votre identité vous appartient!
Par : Anna Macri
Références
1www.gsanetwork.org