Selon le dernier recensement canadien, un individu sur 300 âgé de plus de 15 ans – soit près de 100 000 personnes – s’identifie à la population transgenre et non conforme au genre. Ce segment de la société fait probablement face à une incompréhension à laquelle aucun autre groupe n’est confronté.
Par où commencer
Pour de nombreux Canadiennes et Canadiens, une discussion sur l’identité de genre s’avère synonyme de confusion et de perplexité. Puisque la majorité de la population revendique son appartenance au sexe masculin ou féminin, elle ne se sent pas obligée d’aborder les questions de genre. Résultat : il lui est impossible de comprendre comment quelqu’un pourrait se sentir différent. Cependant, une minorité non négligeable s’interroge : Quel est mon genre? Le genre existe-t-il? Où est-ce que je me situe? Mon genre diffère-t-il du sexe qui m’a été attribué à la naissance? Au Canada, de nombreux jeunes consultent des intervenants et leur parlent des difficultés que leur posent (ou non) ces questions.
Les personnes aux prises avec de tels questionnements partagent peu leurs réflexions. En effet, ce point de vue passe difficilement. La plupart des gens ne sortent pas du cadre de leur existence binaire : homme, femme, masculin, féminin. Ils ont du mal à s’expliquer que certaines personnes ne se retrouvent pas dans cette réalité et adoptent une perspective non binaire.
Qui sont les jeunes transgenres et non conformes au genre?
Certains savent tout petits qu’ils n’appartiennent pas au genre qui leur a été assigné à la naissance. D’autres arrivent à la même conclusion en vieillissant. D’autres encore réalisent qu’ils ne souscrivent pas du tout au concept de genre. Il n’y a pas de date limite pour se découvrir transgenre ou non conforme au genre.
Selon les données, il faut soutenir les individus qui se déclarent transgenres ou non conformes au genre dès leur plus jeune âge et les aider à poursuivre et à explorer ce sentiment. Déterminer que le genre auquel on s’identifie diffère de celui qui a été attribué à la naissance ne correspond pas à une décision ou à une phase erronée. Il s’agit plutôt d’un profond désir d’appartenir à un autre genre ou à aucun genre du tout. On encourage les parents à sonder et à accepter ce que ressent leur enfant, même si cela les met très mal à l’aise. Certains parents demanderont l’assistance d’un groupe de défense ou d’un thérapeute agréé – spécialiste du genre – pour épauler l’enfant et sa famille et vivre la transition. En gardant à l’esprit l’intérêt supérieur de l’enfant, les intervenants peuvent unir leurs efforts pour voir si, le moment venu, des médicaments et des hormones bloquant la puberté doivent être administrés pour aider l’enfant à adopter le genre souhaité.
Si une personne pense être transgenre alors que sa puberté est bien entamée, des encouragements et un soutien similaires s’imposent. Cependant, comme la puberté a déjà commencé pour de bon, les options médicamenteuses deviennent plus compliquées (mais pas hors de propos). Néanmoins, une transition sociale ou comportementale peut débuter. L’élève sélectionne ainsi un nom et des pronoms qui correspondent à son genre, modifie son apparence et choisit de s’exprimer selon le genre souhaité. Il peut s’agir d’une période d’exploration destinée à atténuer l’émergence potentielle de la dysphorie de genre, c’est-à-dire un malaise ou une détresse provoqués par un questionnement sur le genre. La transition sociale et l’hormonothérapie s’avèrent utiles pour de nombreux jeunes transgenres ou non conformes au genre. La résistance à la transition de la part de la famille et de l’école contribue parfois à l’apparition d’une dysphorie de genre. Si le questionnement compatissant fait partie de la démarche, empêcher ou décourager l’exploration fait plus de mal que de bien.
Une question va finir par se poser, que l’individu s’identifie comme transgenre à un jeune âge ou plus tard : la chirurgie d’affirmation de genre constitue-t-elle la prochaine étape? C’est le volet le plus agressif du processus de transition. Les personnes transgenres peuvent choisir de subir une chirurgie du torse (suppression ou augmentation mammaire) ou une chirurgie génitale (modification des organes génitaux) pour acquérir le genre souhaité.
Controverse
Plusieurs éléments de la transition transgenre suscitent la controverse. Premièrement, celles et ceux qui choisissent de ne pas conserver le sexe qui leur a été assigné à la naissance sont soumis à un examen rigoureux de leur santé mentale. Cette procédure vise à déterminer si des facteurs comme l’anxiété, la dépression ou un traumatisme conditionnent indûment la décision d’une personne à vouloir changer de genre. La controverse vient des défenseurs des personnes transgenres qui craignent que l’évaluation ne soit une façon pour la société dominante de se mêler de la vie des personnes trans et non conformes au genre. Cependant, les partisans du processus d’évaluation de la santé mentale soutiennent qu’un changement de genre n’est pas à prendre à la légère : en effet, les personnes qui se prêtent à cette transition subiront des jugements injustes et des discriminations sociales, et elles s’orientent souvent vers des procédures médicales spectaculaires, entre autres médicaments bloquant la puberté, thérapie hormonale et chirurgie d’affirmation de genre (du torse ou génitale). L’argument en faveur de l’évaluation de la santé mentale est celui qui a le plus de poids auprès de nombreuses cliniques spécialisées dans le genre qui accueillent aujourd’hui des personnes transgenres.
Une autre source commune de controverse provient des interventions médicales sur lesquelles repose la transition. Que se passe-t-il si une personne prend des médicaments et des hormones bloquant la puberté pour découvrir plus tard qu’elle souhaite retrouver le sexe qui lui a été assigné à la naissance? Que se passe-t-il si une personne choisit de subir des interventions chirurgicales pour changer de genre et regrette ensuite sa décision? Selon les données, très peu de personnes trans – pas plus d’un pour cent – regrettent leur décision de transition. Celles qui décident de revenir à leur sexe de naissance le font généralement avant l’étape de la chirurgie d’affirmation de genre.
La notion de thérapie réparatrice ou thérapie de conversion constitue une pratique controversée, universellement condamnée. Dans ce cas, des groupes malavisés s’efforcent d’influencer une personne pour que celle-ci ne poursuive pas ses démarches dans le but d’incarner son véritable genre. Ces pratiques reviennent en général à des organisations confessionnelles, opposées aux droits des personnes trans. Au Canada, plusieurs milieux – psychologues, psychiatres, médecins – ont mis les thérapies réparatrices ou de conversion à l’index. Toute tentative destinée à priver une personne de la possibilité d’explorer son genre est considérée comme psychologiquement dommageable et dangereuse.
Quand une jeune personne trans et non conforme au genre arrive dans votre bureau
Depuis quelques années, les intervenants rencontrent de plus en plus souvent des jeunes trans et non conformes au genre. Voici quelques éléments à garder présents à l’esprit si cette jeune personne vous fait suffisamment confiance pour vous avouer ce qui la préoccupe.
- L’acceptation, c’est la clé. Dans une proportion de 70 %, les jeunes trans ou non conformes au genre qui se sentent acceptés et encouragés sont plus susceptibles de bénéficier d’une excellente santé physique et mentale.
- Sachez ce à quoi l’élève fait face. En effet,90 % des jeunes trans ou non conformes au genre déclarent entendre des commentaires transphobes de manière continue; 23 % d’entre eux essuient des remarques négatives de la part du personnel enseignant! Trois quarts des élèves trans ou non conformes au genre affirment se faire harceler et ne pas se sentir en sécurité à l’école.
- Honorez sa décision : utilisez le nom et les pronoms de son choix. Soyez particulièrement attentifs aux noms et aux pronoms lorsque vous vous adressez à cette jeune personne en transition ou en questionnement. Vous lui montrez ainsi que vous honorez sa décision, que vous lui manifestez du respect puisque vous adaptez votre langage à sa situation.
- Orientez les jeunes transgenres vers des ressources adaptées. Découvrez les ressources communautaires trans qui appuient les personnes en transition. Mettez les jeunes en transition en contact avec d’autres jeunes de votre école qui se trouvent dans la même situation.
- Faites preuve de patience. Une jeune personne en transition passe par un processus de remise en question. Donnez-lui de l’espace pour apprendre et grandir au cours de cette exploration de son identité de genre.
- Prenez sa défense. Aidez les élèves à se sentir moins isolés et défendez-les, en particulier s’ils sont victimes de harcèlement. Selon les statistiques, les jeunes trans ou non conformes au genre sont susceptibles de subir des railleries et de l’intimidation. Un intervenant qui se manifeste sur-le-champ est dès lors en mesure de mettre un terme au harcèlement de manière précoce et ferme.
- Attention. La plupart des élèves voudront simplement explorer et remettre en question leur identité de genre pendant leurs études secondaires. La décision de recourir à des options médicales (médicaments bloquant la puberté, hormones) sera adoptée par les parents et les tuteurs en consultation avec la jeune personne concernée et les professionnels. Très peu de parents ou de tuteurs envisageront des solutions chirurgicales pour leur enfant avant que celui-ci n’ait atteint l’âge du consentement.
Adapté du document Families in TRANSition du Central Toronto Youth Service. (https://ctys.org/wp-content/uploads/Families-in-TRANSition.pdf), p. 25-27.
Montrer plus d’ouverture envers les personnes trans et non conformes au genre
La société canadienne fait preuve d’une plus grande ouverture face aux questions que soulèvent les personnes trans et non conformes au genre. Les écoles ont joué un rôle crucial dans ce processus. Nombreux sont celles et ceux qui explorent le passage d’une compréhension binaire du genre à une compréhension non binaire, et pas uniquement les membres de la communauté trans et non conforme au genre. Cela ouvre la porte aux jeunes pour reconnaître leurs sentiments et vivre une existence plus enrichissante. Les intervenants détiennent le pouvoir de faire passer un message clair : nous composons tous un collectif, incarné dans une existence humaine unie; c’est notre acceptation les uns des autres qui nous permet d’évoluer ensemble.
Comprendre la terminologie
Un lexique est apparu au fur et à mesure que la communauté des personnes trans et non conformes au genre s’agrandissait. Comme membres des groupes 2SLGBTQI+, les Canadiennes et Canadiens trans et non conformes au genre sensibilisent leurs voisins au fait que l’identité de genre varie d’un individu à l’autre et que le langage utilisé pour s’adresser à quelqu’un est important.
Pour une liste complète de la terminologie, un glossaire et des acronymes courants, veuillez consulter le site Web du gouvernement du Canada : https://femmes-egalite-genres.canada.ca/fr/sois-toi-meme/glossaire-2elgbtqi-plus.html
Par : Sean Dolan