On ne peut plus le nier : le système des pensionnats au Canada a été universellement reconnu comme un génocide culturel. Les pouvoirs publics ont dû en assumer la responsabilité. En 2008, on a créé la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui, en 2015, a déposé un rapport historique, assorti de 94 appels à l’action, dont sept se rapportent directement à l’éducation. Objectif : aider la nation à progresser vers la réconciliation avec les peuples autochtones.
À ce jour, seuls 13 de ces appels à l’action ont été pleinement mis en œuvre; 61 sont considérés comme étant en cours ou en phase de planification. Il en reste donc 20 en suspens. Collèges et Instituts Canada (CICan) prend la réconciliation très à cœur et travaille avec ses membres pour s’assurer que l’éducation demeure une priorité.
En effet, depuis la création de CICan, en 1972, l’éducation des Autochtones est bien une priorité pour l’organisme. Après que le Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 eut reconnu l’accès à l’éducation comme un droit conféré par traité, CICan et ses membres ont été amenés à revoir leurs programmes dans le but de les rendre plus accessibles, plus pertinents pour la population étudiante métisse, inuite et issue des Premières Nations.
Vers un Protocole sur l’éducation des Autochtones
Peu de temps après le début des travaux de la Commission de vérité et réconciliation, CICan a commencé à tisser des liens avec les collèges et instituts membres ainsi qu’avec les communautés métisses, inuites et des Premières Nations pour élaborer un accord qui a finalement été consigné dans le Protocole sur l’éducation des Autochtones. À ce jour, 67 des 142 établissements membres de CICan ont signé le protocole. Les membres signataires de CICan s’engagent à :
- Faire de l’éducation des Autochtones une priorité.
- Faire en sorte que les structures de gouvernance reconnaissent les peuples autochtones et les respectent.
- Faire appel aux traditions intellectuelles et culturelles autochtones dans la mise en œuvre des programmes d’études et des méthodes d’apprentissage.
- Améliorer la compréhension mutuelle et une plus grande réciprocité des relations entre Autochtones et non-Autochtones.
- Augmenter le nombre d’employés autochtones par des nominations, y compris celles des cadres supérieurs.
- Établir des services et un milieu d’apprentissage holistiques centrés sur les apprenants autochtones.
- Nouer des relations avec les communautés autochtones et assumer la responsabilité du soutien à leur autodétermination.
La signature du protocole témoigne d’un engagement envers le processus de réconciliation. De nombreux collèges et instituts se sont associés à des groupes de Métis, d’Inuits et des Premières Nations de leur région pour rendre la cérémonie de signature plus éloquente. Le North Island College, sur l’île de Vancouver, a ainsi invité des représentants des communautés autochtones voisines à signer le protocole avec lui. Vivian Hermansen, alors directrice de l’éducation des Autochtones du collège a déclaré : « Nous cherchons à obtenir conseils et orientations des communautés des Premières Nations. C’est un privilège de répondre à leurs besoins en matière d’éducation. La signature commune de ce Protocole s’imposait. »
CICan le souligne : le protocole est ambitieux. Bien que près de 70 établissements se soient déjà engagés, CICan reconnaît que de nombreux membres peuvent avoir besoin de temps pour mettre en place des structures et des philosophies avant de signer le document. Cela dit, le Protocole sur l’éducation des Autochtones est un accord visant à appliquer les sept principes énoncés; il n’est pas nécessaire que ces principes soient en vigueur au moment où les membres de CICan décident de signer le Protocole.
L’éducation au service de la réconciliation
CICan appelle ce processus L’éducation au service de la réconciliation. Actuellement, plus de 86 p. 100 des apprenants autochtones vivent à moins de 50 kilomètres du campus d’un collège ou d’un institut. Le taux de diplomation collégiale des Autochtones correspond à celui de leurs homologues allochtones (23 p. 100), ce qui n’est pas le cas pour les diplômes universitaires, puisque seuls 11p. 100 de la population étudiante autochtone détiennent un baccalauréat, contre 29 p. 100 de la population étudiante allochtone. Les membres de CICan se targuent également d’offrir plus de 300 programmes conçus pour répondre aux besoins des apprenants et des communautés autochtones. Ces programmes sont sanctionnés par un titre de compétence; certains correspondent étroitement à des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Bref, là où certaines filières accusent du retard, les collèges, instituts et cégeps font office de chefs de file.
CICan et ses membres se sont imposés comme un regroupement d’établissements profondément engagés envers l’apprentissage des Autochtones. Réconciliation rime avec guérison : on réfléchit au passé, on s’assure que les erreurs commises ne se reproduisent pas. C’est dans cet esprit que CICan a abordé la mise en œuvre du Protocole sur l’éducation des Autochtones, comme une question de responsabilité sociale et morale.
Pour les collèges et instituts, deux approches permettent de respecter l’esprit du Protocole. La première consiste à offrir des programmes destinés à la population étudiante métisse, inuite et issue des Premières Nations, entre autres :
- Rattrapage scolaire pour aider les élèves à se qualifier pour des programmes collégiaux.
- Programmes de certificat ou de diplôme en affaires (aide à la clientèle, marketing, entrepreneuriat) destinés à la population étudiante et aux entreprises autochtones.
- Programmes de certificat et de diplôme en arts visuels autochtones.
- Programmes de counseling et d’approche communautaire destinés aux communautés autochtones.
- Formations policières et juridiques destinées aux Autochtones, qui sont surreprésentés dans le système judiciaire.
On trouve facilement un échantillon de programmes de ce type d’un bout à l’autre du pays. En fait, les collèges et instituts s’enorgueillissent de proposer un large éventail de cours spécialement conçus pour répondre aux besoins de la population étudiante autochtone.
Il y a aussi des programmes spécialisés à l’appui de la réconciliation et des intérêts des Autochtones en dehors de la salle de classe. De nombreux collèges et instituts proposent ce qui suit :
- Mentorat pour les entrepreneurs et les petites entreprises autochtones.
- Lieux de rassemblement pour la population étudiante autochtone sur les campus.
- Services destinés à la population étudiante autochtone qui fait des demandes de subventions, de bourses d’études, de garderie et de logement. Certains établissements aident les étudiantes et étudiants autochtones à maintenir leurs liens avec leur foyer.
- Tutorat professionnel et par les pairs.
- Relations avec les Aînés et les chefs autochtones.
- Reconnaissance des fêtes, des cérémonies, de l’histoire et des traditions autochtones.
Il ne s’agit là que d’un aperçu des moyens grâce auxquels les collèges et instituts offrent un soutien en dehors de la salle de classe. L’objectif? Mettre en avant l’éventail d’initiatives créatives qui sont accessibles à l’échelle du Canada pour appuyer l’apprentissage des Autochtones. Ces efforts montrent également que le Protocole sur l’éducation des Autochtones ne se résume pas à un ensemble de principes écrits; il s’agit d’une réalité qui se vit concrètement sur le terrain des campus canadiens. Alors que le Canada cherche encore des moyens de faire acte de réconciliation avec les peuples autochtones, CICan va de l’avant. Depuis sa fondation, l’organisme fait la promotion de l’éducation de la population étudiante métisse, inuite et issue des Premières Nations. CICan a audacieusement adopté cette tradition par l’entremise du Protocole pour l’éducation des Autochtones. Marie Wilson, l’une des trois commissaires de la Commission Vérité et réconciliation parle en ces termes du processus de guérison : « Il ne sera ni rapide, ni facile, mais il sera riche et édifiant pour nous toutes, nous tous. » Les membres de CICan seraient certainement d’accord, sachant qu’ils vivent déjà l’expérience riche et édifiante de l’éducation mise au service de la réconciliation.