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Briser les mythes sur la carrière qui influencent les décisions des étudiants

@GettyImages/LightFieldStudios

Entrez dans n’importe quelle école secondaire au Canada et vous ressentirez la pression qui pèse sur les étudiants lorsqu’ils imaginent leur avenir. Ils doivent composer avec les choix de cours, les prérequis de programme, les conseils en ligne et les attentes bien intentionnées des adultes. Pour en ajouter une couche, la hausse du chômage chez les jeunes, les vifs débats sur l’intelligence artificielle et le coût des études supérieures amènent beaucoup d’adolescents à penser que toutes leurs décisions doivent être justes.

Les éducateurs constatent la vitesse à laquelle cette pression crée de l’anxiété. Les conseillers le voient bien lors d’entretiens individuels; les directeurs le remarquent dans l’ambiance, la motivation et le bien-être à l’école. Et pour garnir le tout, les mythes persistants sur les carrières continuent d’influencer la façon dont les jeunes envisagent leurs choix, limitant souvent leur vision des possibilités bien avant qu’ils aient eu l’occasion de les explorer.

Les résultats du nouveau questionnaire « Briser les mythes sur la carrière » du CERIC, produit par des groupes de discussion et à la suite d’essais pilotes menés auprès d’étudiants du 1er au 5e secondaire démontrent la persistance singulière de ces idées fausses. Remettre ces mythes en question aide les étudiants à y voir plus clair et à se sentir mieux armés pour gérer l’incertitude qui pèse quand ils planifient leur avenir.

Six mythes se distinguent par leur incidence et leur fréquence.

Mythe n° 1 : « Je dois choisir une orientation de carrière pour la vie durant avant de terminer mon secondaire. »

De nombreux étudiants continuent de croire qu’ils doivent trouver dès leur plus jeune âge un parcours de carrière unique et définitif. Cette croyance repose sur la présomption que les carrières suivent un parcours ordonné et prévisible.

En réalité, la plupart des carrières sont beaucoup plus souples. Les Canadiens travaillent en moyenne pour sept employeurs, et des études mondiales suggèrent que les membres de la génération Z occuperont environ 16 emplois dans divers rôles et secteurs. Les carrières évoluent à mesure que les gens acquièrent de l’expérience, découvrent de nouveaux centres d’intérêt et réagissent à l’évolution des occasions.

Le fait que nous considérons le développement de carrière comme un plan se déroulant progressivement plutôt que comme une décision définitive à prendre immédiatement avantage les étudiants.

Mythe n° 2 : « Faire un “mauvais” choix de carrière ruinera mon avenir. »

La croyance qui veut que les décisions précoces aient d’énormes conséquences est l’un des mythes les plus chargés d’émotivité que les étudiants entretiennent. Dans nos groupes de discussion, les jeunes ont dit estimer qu’un « mauvais » choix pouvait compromettre considérablement leur avenir. Le coût élevé des études postsecondaires et la pression d’un choix précoce amplifient cette inquiétude.

Pourtant, le changement est non seulement courant, il est souvent productif. Près d’un diplômé universitaire canadien sur quatre s’inscrit plus tard à un programme différent ou change d’orientation de carrière. Ces changements aident les jeunes à clarifier leurs intérêts et à acquérir de nouvelles compétences.

Lorsque les écoles normalisent l’exploration et considèrent que la réorientation fait partie d’un apprentissage, les étudiants deviennent plus résilients devant les décisions à prendre.

Mythe n° 3 : « De bonnes notes détermineront jusqu’où j’irai dans ma carrière. »

La croyance selon laquelle seules les notes déterminent l’avenir reste très répandue. Dans le questionnaire pilote, 70 % des étudiants ont déclaré que les notes détermineraient leur réussite professionnelle. Pour certains, elles assurent la réussite; pour d’autres, elles exacerbent le stress ou le découragement.

Toutefois, les employeurs insistent invariablement sur l’importance des compétences, telles que la communication, le travail d’équipe, la résolution de problèmes et la capacité d’adaptation, autant d’atouts qui vont bien au-delà des résultats scolaires. Des recherches montrent que la détermination et la persévérance peuvent prédire les résultats à long terme aussi efficacement que le rendement scolaire.

Lorsque les enseignants élargissent la définition de la réussite, les étudiants acquièrent une vision plus réaliste de la manière dont diverses compétences contribuent aux occasions qui se présenteront à eux.

Mythe n° 4 : « J’ai besoin d’un diplôme universitaire pour avoir une carrière florissante. »

Cette croyance reste très ancrée chez les familles et les étudiants. Près de la moitié des participants au projet pilote (49 %) ont déclaré qu’un diplôme universitaire était nécessaire pour avoir une carrière gratifiante. Si l’université est un incontournable pour de nombreuses professions, elle n’est pas la seule voie de réussite ou d’épanouissement.

Partout au Canada, de nombreux employeurs se tournent vers l’embauche fondée sur les compétences, et d’autres allègent ou éliminent la nécessité d’avoir un diplôme. De nombreux débouchés continuent de s’élargir dans les métiers spécialisés, les soins de santé, la technologie et l’entrepreneuriat.

Renseigner davantage les étudiants sur ces possibilités les aide à choisir des parcours correspondant à leurs aptitudes, leurs intérêts et leurs besoins, et non à des idées préconçues obsolètes.

Mythe n° 5 : « L’IA finira par me remplacer dans mon futur emploi. »

Les étudiants tombent sur des discours alarmistes sans contexte sur l’automatisation. Cela peut stimuler leur pessimisme plutôt que leur curiosité.

Les recherches canadiennes présentent une image plus nuancée. Des analyses de millions d’offres d’emploi montrent que l’adoption de l’IA a accru la demande de compétences humaines, telles que la maîtrise du numérique, le travail d’équipe et la résilience. De plus, les études nationales sur le travail relèvent peu de preuves d’une perte d’emplois généralisée due à l’IA jusqu’à présent, bien que les rôles évoluent à mesure que les tâches routinières changent.

Aider les étudiants à comprendre les réalités de l’IA – et le besoin permanent de créativité, de sociabilité et de jugement humains – favorise un sentiment du possible plus fondé.

Mythe n° 6 : « Si je n’ai pas de passion, je ne trouverai pas de parcours de carrière. »

De nombreux étudiants pensent qu’ils devraient déjà connaître leur passion profonde pour guider leurs décisions. « Trouvez votre passion » est une phrase qu’ils entendent souvent, et lorsque cette certitude ne se manifeste pas, ils peuvent penser qu’ils prennent du retard.

En réalité, l’intérêt se développe généralement à travers l’expérience. Les étudiants commencent à découvrir ce qui leur plaît en essayant différentes choses. Les recherches montrent également que ce sont les tâches stimulantes, l’épanouissement personnel et la contribution à quelque chose d’important qui alimentent la satisfaction du travail, et non pas ce qui nous passionne au départ.

Lorsque la passion est présentée comme un sentiment qui se développe avec le temps, les étudiants ressentent moins de pression pour tout comprendre et plus de liberté pour explorer des avenues.

Comment les écoles peuvent-elles aider les étudiants à démêler ces mythes?

Les responsables scolaires jouent un rôle central dans la création d’un milieu où l’exploration de carrières semble gérable plutôt que décourageante. Les approches qui font la différence comprennent :

  • Discussions sur le développement de carrière dans toutes les matières, et pas seulement dans des catégories désignées;
  • Utilisation d’outils tels que le questionnaire Briser les mythes sur la carrière du CERIC, pour faire ressortir les préjugés et amorcer la conversation;
  • Offre d’informations claires et pondérées aux parents et aux aidants ayant une influence éloquente sur les décisions;
  • Mise en avant des multiples parcours postsecondaires, notamment les métiers, les programmes collégiaux et d’apprentissage et l’entrepreneuriat;
  • Offre d’apprentissage expérientiel permettant aux étudiants de mettre à l’épreuve leurs intérêts dans des situations réelles;
  • Rappel que l’incertitude est normale, en particulier par rapport à l’évolution rapide des besoins du marché du travail.

Ces approches aident les jeunes à développer la capacité d’adaptation dont ils auront besoin tout au long de leur vie.

Conclusion

Les étudiants d’aujourd’hui sont confrontés à plus d’informations, plus d’incertitudes et plus de pression que jamais. Lorsque les mythes sur carrière ne sont pas remis en question, ils alourdissent un processus déjà complexe. Lorsque les éducateurs contribuent à démystifier ces fausses idées, ils créent un milieu propice à la curiosité, à la confiance et à la prise de décisions éclairées.

La planification de carrière ne consiste pas à prédire un seul avenir. Elle signifie de donner aux étudiants les moyens d’aborder leur avenir avec ouverture, compétence et espoir.

QUESTIONNAIRE BRISER LES MYTHES SUR LA CARRIÈRE
Créé par le CERIC, en collaboration avec Vox Pop Labs et myBlueprint, le questionnaire Briser les mythes sur la carrière aide les étudiants à reconsidérer leurs présomptions et à mieux comprendre le processus d’évolution des carrières. Cet outil favorise la réflexion, en classe, lors des séances d’orientation, ou à la maison. Les étudiants ont décrit le questionnaire comme étant rassurant et révélateur. Il est publié à l’adresse careermythbuster.ca (en anglais seulement).

L’AUTEURE :
Sharon Ferriss est directrice principale, Marketing et communications du CERIC, un organisme caritatif national voué au développement de carrière au Canada.

Références
CERIC. (2020). Shattering the career path myth lowers students’ anxiety about the future. (Briser le mythe du parcours de carrière réduit l’anxiété des étudiants face à l’avenir.) (En anglais seulement.)
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Harvard Business Review. (2022). Skills-Based Hiring Is on the Rise. (L’embauche fondée sur les compétences est en hausse.) (En anglais seulement.)
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Institut de recherche en politiques publiques. (2025). L’IA générative pourrait modifier les emplois au Canada, pas seulement les remplacer.
Barron’s. (2025). L’IA conduit-elle à des licenciements? Il y a peu de preuves jusqu’à présent.
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MIT Sloan Management Review. (2016).
What Makes Work Meaningful – Or Meaningless? (Qu’est-ce qui rend le travail significatif – ou insignifiant?) (En anglais seulement.)