Spring 2024 - French

Les compétences comportementales et la technologie

Dans un monde où les titres de compétences valent leur pesant d’or, il est grand temps de reconnaître aussi l’importance de compétences comme la collaboration. À quoi sert d’avoir tous les titres possibles, en effet, si vous ne savez à peu près pas comment agir avec les autres?

C’est ce que pensent nombre d’employeurs. De fait, selon un sondage récent, 77 % des entreprises bâtissent volontiers leur équipe en fonction de compétences comportementales (notamment l’habileté à interagir) plutôt que de compétences directement liées à la tâche. Ce n’est pas vraiment nouveau, toutefois, mais on dirait que la société a peu à peu relégué les compétences comportementales au second plan, allez savoir pourquoi! Une étude récemment mise au jour, mais publiée voici plus de cent ans par l’Université Harvard (1918), était arrivée à une constatation assez semblable, à savoir que la réussite professionnelle était attribuable à 85 % à des compétences comportementales contre 15 % aux compétences directement liées aux tâches à accomplir, c’est-à-dire des aptitudes et des connaissances techniques. Retour de balancier?

Une épineuse question

Voici une réalité bien connue des conseillères et conseillers d’orientation : nombre d’élèves aux notes plutôt moyennes n’auront aucun mal à trouver un emploi. La raison? Ces jeunes ont les compétences comportementales qui leur permettront de tirer leur épingle du jeu, dans le monde et dans la vie. Il leur sera peut-être difficile d’obtenir tel ou tel diplôme, mais pas de trouver un emploi, grâce à leur habileté à communiquer, à résoudre des problèmes et à collaborer.

D’autres, en revanche, font tous les travaux et obtiennent d’excellentes notes, mais ont si peu d’aptitudes aux relations interpersonnelles qu’il y a lieu de s’interroger sur leur fonctionnement à venir en société et au travail. Autrement dit, leurs compétences techniques sont excellentes, mais il leur faut améliorer grandement leurs compétences comportementales.

Compétences techniques vs compétences comportementales

Quelques définitions s’imposent. Les compétences techniques sont l’ensemble des connaissances, de l’information et des diplômes grâce auxquels une personne sait se conduire et faire sa place dans certains contextes. Par exemple, une ingénieure qui a suivi des cours de sciences au secondaire afin d’être admise en génie à l’université, d’obtenir un diplôme et d’exercer une profession dans ce domaine applique maintenant ses compétences techniques pour mener à bien le travail qu’on lui confie et progresser dans cette carrière en vue de laquelle elle s’est longuement formée.

Les compétences comportementales, ce sont les comportements interpersonnels qui permettent à une personne de travailler avec d’autres et de contribuer à la bonne entente dans son milieu de travail. Elles impliquent une conscience de soi et des autres qui facilite le déroulement de sa carrière (et de sa vie!). Or, si les compétences techniques se mesurent objectivement, notamment par une évaluation du rendement, la situation se complique avec les compétences comportementales, de nature plus subjective. Toutefois, tout le monde peut aisément constater à quel point le collègue (ou l’organisation) qui a de grandes compétences comportementales est précieux et peut profiter de l’harmonie qui règne au travail. En outre, les compétences comportementales sont l’ingrédient essentiel de la satisfaction au travail.

Les compétences comportementales prioritaires

Il serait simpliste de privilégier les compétences comportementales au détriment des compétences techniques. Après tout, il faut bien obtenir les notes requises pour accéder au programme d’études qui correspond à ses objectifs. Il revient toutefois aux conseillères et conseillers d’orientation de montrer que certaines compétences hors du cadre des diplômes sont très demandées par les établissements d’enseignement et les employeurs. Voici une liste de ce que les spécialistes considèrent comme les compétences comportementales indispensables.

La communication, soit la capacité de parler, d’écrire, d’écouter et de faire des gestes qui expriment compréhension et empathie. Un bon communicateur pratique l’écoute active, parle clairement et emploie des indices verbaux et non verbaux pour transmettre un message dans une situation donnée. Un bon communicateur ne digresse pas; il se montre attentif et fournit de la rétroaction à toute personne qui exprime à son tour sa vision des choses. La communication exige réflexion et introspection. Il faut en effet montrer que l’on comprend ce qui nous est communiqué, mais aussi ce qu’il faut dire, écrire ou montrer pour être compris.

Le travail d’équipe, c’est-à-dire la capacité de travailler avec autrui et de reconnaître ses dons et ceux des autres. Pour bien travailler en équipe, il faut savoir collaborer, créer et entretenir des réseaux, et favoriser la participation de tous les membres. Les bons joueurs d’équipe partagent les responsabilités, savent quand et comment apporter leur contribution, et sont habiles à négocier et faire des compromis.

La résolution de problèmes, c’est la capacité de cerner les difficultés, de surmonter les obstacles et d’appliquer des méthodes axées sur les solutions dans des situations difficiles. La vie est riche en problèmes à résoudre. Il importe donc de donner aux jeunes l’occasion de faire des remue-méninges, de mettre leur créativité à profit et de constater les mérites de la souplesse et de l’adaptabilité quand il s’agit de régler un problème lié aux études, à la vie en société, à la famille et, un jour, au travail. Sans oublier la capacité de dresser un plan, élément indispensable à la résolution de problèmes.

La pensée critique est étroitement liée à la résolution de problèmes. Elle implique le développement de certaines autres compétences comme l’analyse et le discernement. Quiconque exerce sa pensée critique est en mesure de prendre des décisions éclairées, de concrétiser un plan, de composer avec les difficultés et de remettre en question le fonctionnement des choses.

Les interactions interpersonnelles désignent la façon et les moyens dont une personne interagit. Une personne très habile aux relations interpersonnelles se distingue par son intelligence affective : elle sait comment et quand il convient de montrer ses émotions et ses sentiments, est habile à gérer les conflits, à négocier et à faire des compromis. Elle est consciente de ce qu’elle est, favorise l’écoute active, travaille bien avec les autres et sait voir les forces et les talents de ceux et celles qui l’entourent.

La gestion du temps est la capacité d’organiser le déroulement efficace et rapide des tâches, par ordre de priorité. C’est une compétence essentielle, pourtant souvent sous-estimée. La capacité de déterminer quelles sont les tâches prioritaires, de dresser un plan, d’atteindre les objectifs et de respecter les échéances est d’une importance capitale, pendant ses études comme pendant sa carrière.

La confiance en soi résulte du sentiment de connaître ses compétences et ses habiletés. La personne qui a confiance en elle connaît ses forces et ses faiblesses, se montre résiliente devant les difficultés, travaille de manière autonome quand il le faut et reconnaît le moment où elle a donné tout ce qu’elle pouvait.

L’éthique du travail englobe l’attitude, la fiabilité, le professionnalisme, l’enthousiasme et le souci du détail d’une personne dans l’accomplissement de ses tâches. Une bonne éthique du travail est essentielle à la réussite des études et de la vie professionnelle choisie.

L’autre compétence comportementale

On croit souvent qu’une personne qui exerce avec bonheur un certain nombre des compétences ci‑dessus possède aussi cette autre compétence comportementale qu’est le leadership. Nous ne sommes pas tous des leaders, mais si l’on nous demandait de décrire les meilleurs leaders que nous avons croisés, il y a fort à parier que la description évoquerait nombre des compétences décrites ci‑dessus. Qui ne voudrait pas être dirigé par une personne qui communique efficacement, fonctionne bien en équipe, s’entend bien à résoudre les problèmes, exerce sa pensée critique, sait gérer son temps et traite les gens avec dignité et respect? Certes, le leadership est une compétence comportementale à laquelle beaucoup aspirent, mais tout le monde ne veut pas forcément être leader, et c’est pourquoi nous donnons à cette compétence une place distincte.

Comment aider les étudiantes et les étudiants?

Les conseillers d’orientation se font naturellement les champions des compétences comportementales. Ils connaissent bien la personnalité des étudiants qui les consultent et les encouragent souvent spontanément à développer leurs compétences comportementales ou à en tirer parti. Il suffit d’un coup d’œil à la liste ci-dessus pour constater un évident chevauchement entre ces compétences. Ainsi, l’écoute active ou la créativité se retrouveront dans un certain nombre de catégories de compétences. Jouons les Socrate et encourageons les étudiantes et les étudiants à se connaître eux-mêmes : l’introspection permet de mieux se connaître et, partant, d’avoir une expérience plus assurée et plus efficace du monde extérieur. Aidons les étudiants à construire leur conscience d’eux-mêmes en valorisant les compétences comportementales pour qu’ils puissent ensuite se concentrer sur les compétences techniques grâce auxquelles ils pourront réaliser leurs projets d’avenir.

L’exemple est un autre outil de notre arsenal. Efforçons-nous de bien communiquer avec les étudiants (en pratiquant notamment l’écoute active) et présentons les problèmes qui nous sont soumis dans une optique de résolution. Montrons notre volonté de bien jouer avec l’équipe et demandons l’aide de nos collègues pour répondre aux questions qui nous dépassent. Les étudiants comprendront d’autant mieux la valeur des compétences comportementales s’ils nous voient les mettre en pratique en ayant ainsi l’humilité d’exprimer nos incertitudes.

Retour vers le futur

En 1918, quand Harvard a publié son étude, la technologie progressait à toute vitesse. La guerre avait stimulé l’innovation et transformé le monde, et les gens ont dû apprendre à s’entraider pour survivre au changement et continuer de contribuer à la société.

Nous voici devant un défi semblable. La technologie se développe à un rythme effarant, et nombre d’étudiants se sentent pris dans un tourbillon. Or, ce sont les compétences comportementales, c’est-à-dire la capacité de travailler ensemble, en équilibre et en harmonie, qui leur seront les plus utiles à cet égard. Aux étudiantes et étudiants qui, les prochains, vous demanderont quelles compétences techniques acquérir pour obtenir la note de passage et suivre le programme de leur choix, rappelez au passage que les compétences comportementales vont leur procurer une certaine satisfaction personnelle en plus de leur donner la confiance nécessaire pour atteindre leurs objectifs.

Par : Sean Dolan