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Le mentorat : de la relation à la résilience

Dans L’Odyssée, le poème épique d’Homère, Ulysse confie l’éducation de son fils Télémaque à un ami avant de partir combattre les Troyens. Cet ami est un noble vieillard du nom de Mentor. Pendant les trois décennies qu’Ulysse passera loin de sa famille, Mentor fera de son mieux pour éduquer Télémaque et en faire un homme distingué.

Si Mentor joue un rôle de second plan dans cette épopée poétique axée sur le destin, la gloire et l’honneur, sa fonction de sage conseiller du jeune Télémaque semble avoir traversé les siècles de l’histoire littéraire pour se frayer un chemin jusqu’à l’ère moderne. Aujourd’hui, les mentors abondent et le mentorat est considéré comme une des clés de la croissance personnelle et du développement communautaire.

L’importance du mentorat

Dans une société qui semble avoir adopté tacitement un individualisme marqué par le « chacun pour soi », le mouvement du mentorat constitue un puissant contre-pouvoir de soutien collectif. N’importe qui peut être un mentor : un parent, une amie, un collègue. Le mentorat met en jeu l’établissement d’un partenariat efficace où une personne qui sait transmet des leçons à une personne qui ne sait pas. Cet acte s’accomplit dans le même esprit de confiance et de respect décrit par Homère dans son poème il y a 3 000 ans.

Un mentor est une conseillère ou un conseiller de confiance qui enseigne et modèle le comportement associé à un objectif, une compétence ou un art ciblé. Voici quelques exemples :

  • Une autrice-compositrice prend un musicien sous son aile et lui montre comment elle procède pour écrire une chanson.
  • Une personne adulte fait du bénévolat à titre de « grand frère » ou « grande sœur » d’un membre de sa collectivité.
  • Un soudeur embauche une apprentie pour lui apprendre les techniques de soudage à l’arc, à l’électrode de tungstène et au magnésium. 
  • Une infirmière enseigne à un stagiaire ou à une étudiante la façon d’exécuter la prestation de divers soins.

Toutes ces relations se passent entre une personne qui possède des compétences –  qui « sait » – et qui enseigne certaines choses à une personne qui ne sait pas comment exécuter une certaine tâche ou qui a besoin d’y être exposée. La relation de mentorat se distingue d’une simple relation d’enseignement par le lien entre mentor et mentoré. La personne qui absorbe de nouvelles connaissances ne fait pas que devenir un auteur-compositeur, une « petite sœur », une soudeuse ou un infirmier : elle absorbe aussi les comportements et les attitudes de son mentor. Cette absorption passe par un processus comportant des interactions, des questionnements et l’établissement de liens. Autrement dit, la personne mentorée apprend des leçons axées sur les compétences, mais surtout, elle apprend des leçons de vie.

Le mentorat et l’école

L’école est un pôle de mentorat informel et officiel. Le personnel enseignant peut servir de mentor à ses élèves, mais un solide programme d’activités parascolaires, de clubs et de sports peut insuffler la vie aux élèves, et les animatrices et entraîneurs sont souvent considérés comme des mentors. Même si le mentorat n’est pas l’objectif explicite de ces activités, il peut en devenir le résultat implicite.

Pour ce qui est des occasions de mentorat officiel, l’une des avenues les plus évidentes est le programme d’éducation coopérative, où les élèves acquièrent des compétences pratiques et des habiletés de vie nouvelles auprès de mentors dans le cadre d’un stage de travail dans la collectivité. Bon nombre d’établissements ont également mis sur pied un programme de mentorat par les pairs où les élèves des années supérieures sont jumelés à des plus jeunes pour modeler la réussite et l’accomplissement en milieu scolaire.

Des occasions de mentorat s’offrent aussi aux élèves à l’extérieur du cadre scolaire. Elles peuvent impliquer un organisme et l’établissement d’enseignement ou être complètement indépendantes de celui-ci.

En voici quelques exemples choisis :

Qu’est-ce qui fait la réussite d’un mentorat?

La plupart des spécialistes estiment que pour être fructueuse, une relation de mentorat doit comprendre les éléments suivants : 

  • La confiance – La relation de mentorat se fonde sur la confiance. La personne mentorée doit savoir qu’elle peut faire confiance à son mentor et vice versa.
  • Le respect – La relation de mentorat doit reposer sur le respect mutuel : chaque partie respecte ce que l’autre a à offrir.
  • Les attentes – Le mentor doit aider la personne mentorée à se donner des objectifs réalistes et s’attendre à ce qu’elle les atteigne. Si le parcours est semé d’embûches, on pourra mettre en œuvre une nouvelle approche où l’atteinte de l’objectif ou le respect des attentes deviennent la priorité.
  • La communication – Le mentor doit être en mesure de parler ouvertement et clairement à la personne mentorée afin qu’elle puisse comprendre les objectifs et les atteindre. La personne mentorée doit être en mesure de rétroagir et de demander conseil au besoin.  
  • La correction – Quand quelque chose ne va pas, la relation entre les deux parties doit être assez solide pour leur permettre de discuter des points à corriger. Qu’il s’agisse d’une tâche liée à l’emploi ou d’une aptitude sociale, la correction fait partie de la relation de mentorat.
  • L’affirmation – Les encouragements, les félicitations et l’affirmation témoignent d’une relation de mentorat solide. Il importe de souligner ce qui va bien.
  • L’engagement – Les deux parties doivent aborder l’occasion de mentorat avec un niveau d’engagement qui démontre le caractère prioritaire de cette relation.

Les bienfaits du mentorat

Les données parlent d’elles-mêmes : le mentorat est efficace! Les élèves qui participent à une relation ou un programme de mentorat :

  • renforcent leur estime de soi et leur confiance en soi;
  • manifestent une amélioration de leurs habiletés en communication interpersonnelle et de leurs aptitudes sociales;
  • développent des relations plus saines avec leurs pairs, les parents, le personnel enseignant et les autres adultes attentionnés;
  • sont moins enclins à avoir des comportements destructeurs tels que la toxicomanie et l’abus d’alcool;
  • augmentent leurs chances d’obtenir un diplôme d’études secondaires;
  • constatent habituellement une amélioration de leurs résultats scolaires;
  • tendent à avoir une attitude plus positive envers la fréquentation de l’école;
  • ont de plus grandes aspirations, qu’il s’agisse de s’inscrire à un programme d’études postsecondaires ou de rehausser leurs ambitions professionnelles.

La relation est également bénéfique pour les mentors, qui en tirent notamment les avantages suivants :

  • un sentiment de gratification et de satisfaction d’avoir donné en retour à la jeune génération et d’avoir partagé leurs connaissances et leurs compétences;
  • le sentiment d’accomplissement que procure le fait d’aider une jeune personne;
  • une amélioration de l’estime de soi et de la confiance en soi;
  • un surcroît de patience et de compréhension face aux besoins développementaux des jeunes;
  • la formation d’un éventuel membre du personnel;
  • une amélioration des aptitudes en supervision du personnel.

Le mentorat et les intervenants scolaires

L’une des principales fonctions des intervenants scolaires est de mettre les élèves sur la bonne voie. Qu’il s’agisse de les orienter vers la bonne approche en matière d’études ou vers la destination postsecondaire qui leur convient de mieux, l’intervenante ou l’intervenant scolaire est la première ressource à consulter pour maintenir l’élève sur la bonne voie quand une situation semble l’en écarter. En ce qui a trait aux possibilités de mentorat, les intervenants peuvent :

  • encourager l’élève à participer à des activités parallèles au programme, et même, dans certains cas, communiquer avec l’animatrice ou l’entraîneur;
  • promouvoir la participation de l’élève à un programme d’éducation coopérative;
  • former des partenariats avec des programmes de mentorat communautaires;
  • tenir à jour une liste des programmes de mentorat de leur collectivité locale et se préparer à orienter les élèves vers ces programmes au besoin;
  • évaluer les programmes afin de déterminer s’ils répondent aux attentes relatives à une relation de mentorat fructueuse;
  • inviter des mentors de la collectivité à parler aux élèves de leur vie et des leçons qu’ils ont retenues. 

Visez la simplicité!

Il y a beaucoup d’aspects à considérer lorsqu’on envisage l’idée d’un mentorat. La meilleure façon d’aborder le mentorat est sans doute de viser la simplicité. Au-delà des programmes officiels et des statistiques abrutissantes, souvenez-vous simplement de Mentor, ce noble vieillard qui, à la demande de son ami Ulysse, accepte de prendre Télémaque sous son aile et de lui prodiguer les conseils et l’amitié dont il aura besoin pendant l’absence de son père. Cette entente vise fondamentalement à aider le jeune homme à développer la résilience nécessaire pour survivre dans un monde sans merci. Les intervenants scolaires peuvent encourager le mentorat en jouant le rôle de Mentor, puis en aidant les élèves à profiter des bienfaits d’une expérience de mentorat, en milieu scolaire ou ailleurs.

By: Sean Dolan