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La tranquillité d’esprit : la procrastination

La procrastination a joué un rôle dans la rédaction de la présente chronique. L’auteur a reçu copie du calendrier éditorial des mois avant la date de tombée de cet article, et il s’est passé beaucoup de temps avant que la recherche et le pianotage au clavier débouchent sur les mots, les phrases et les paragraphes que vous êtes en train de lire. C’est peut-être le passage du temps et le poids écrasant de l’échéance imminente qui ont inspiré l’auteur à choisir ce sujet à explorer avec les intervenants scolaires. Parle-t-on encore de procrastination si le délai est respecté? C’est ce que nous verrons.

Dans sa forme la plus simple, la procrastination est l’action de reporter indûment une activité ou une tâche. Il manque toutefois à cette brève définition le coût mental et émotionnel d’un tel report. 

Si la procrastination n’est pas un trouble de santé mentale, elle est souvent associée à des troubles tels que l’anxiété, la dépression et le manque d’estime de soi. On a également établi des liens robustes avec le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), où c’est l’inattention qui domine plutôt que l’hyperactivité. Au bout du compte, tout remettre au lendemain peut engendrer des sentiments de frustration, de culpabilité, voire de honte. C’est particulièrement le cas lorsqu’on omet de respecter une échéance.

Quelle est l’ampleur du problème?

Selon certaines estimations, près de 25 % des gens sont des procrastinateurs chroniques. Pour ce qui est des données portant plus particulièrement sur les élèves, une étude menée par l’Université de Calgary conclut que plus de 85 % des étudiants se livrent à la procrastination, que 75 % se considèrent comme des procrastinateurs et que 50 % déclarent avoir un problème de procrastination. D’autres études indiquent que la procrastination est associée à des résultats scolaires inférieurs à la moyenne. Selon des spécialistes de la question, si la procrastination est un problème significatif pour les jeunes, cette habitude tend à s’estomper ou à s’amoindrir avec l’âge; c’est peut-être parce que les gens qui ont appris (subi?) les coûts associés à la procrastination choisissent d’éviter désormais le cercle vicieux qu’elle engendre. Toutes ces données nous permettent d’affirmer que la procrastination est un problème courant pour au moins une personne sur quatre.

Pourquoi procrastiner?

Une ou un élève aura tendance à procrastiner dans les cas suivants :

  • La tâche lui paraît monotone.
  • L’élève ne croit pas avoir les compétences nécessaires pour accomplir une tâche.
  • L’élève craint d’obtenir un résultat insuffisant.
  • L’élève veut mener sa tâche à la perfection.
  • Des distractions l’éloignent de sa tâche.

La procrastination n’est pas synonyme de paresse. Selon Tim Pychyl, Ph.D., qui a été professeur de psychologie à l’Université Carleton, la procrastination est davantage une question de maîtrise des émotions qu’une carence dans les compétences de gestion. Les procrastinateurs doivent se débrouiller avec leurs humeurs négatives – l’ennui, la crainte, l’insécurité, l’anxiété, le doute – avant de pouvoir s’atteler à la tâche qui les attend. Comme l’écrit Pychyl : « La procrastination est un problème de régulation des émotions, et non un problème de gestion du temps. » Autrement dit, l’élève doit faire face à sa crainte et à son anxiété pour échapper aux conséquences paralysantes de la procrastination.

Si la procrastination est un phénomène normal, des problèmes surgissent lorsqu’on rate une échéance importante; c’est alors qu’émergent des sentiments écrasants d’autocritique et de doute de soi. Sous plusieurs aspects, la procrastination, si on n’y veille pas, peut ouvrir la porte à une faible estime de soi et à une anxiété générale. Autrement dit, la personne qui procrastine voit des émotions négatives prendre le pas sur le reste, tandis qu’une tâche normalement facile à exécuter est laissée en plan jusqu’à la dernière minute ou, pire encore, demeure inachevée.

Les signes avant-coureurs d’une procrastination problématique

Si la procrastination peut faire partie de l’approche adoptée face à certaines situations courantes, elle devient problématique pour l’élève si les symptômes suivants se manifestent :

  • L’élève éprouve un surcroît d’anxiété face à une tâche qu’il a déjà réussie par le passé.
  • L’élève a une crainte excessive d’échouer à obtenir la note de passage.
  • Un sentiment d’insuffisance l’empêche de poursuivre sa tâche.
  • L’élève rejette sur autrui le blâme de sa propre procrastination.
  • Le perfectionnisme l’empêche de terminer sa tâche.
  • Le ressentiment l’amène à choisir d’ignorer une tâche.

N’hésitez pas à présenter cette liste personnalisée aux élèves qui viennent vous consulter au sujet de leurs préoccupations relatives à la procrastination. Il y a de fortes chances que l’élève qui vient vous rencontrer pour parler de préoccupations correspondant à certains éléments de la liste voudra recevoir des conseils sur les moyens de surmonter la procrastination. Les intervenants scolaires doivent se concentrer sur les émotions négatives qui empêchent l’élève de commencer et d’achever ses tâches. Ce n’est qu’après avoir passé en revue ces émotions qu’on pourra explorer l’enjeu de la gestion du temps.

Vaincre la procrastination

Lorsque des sentiments de procrastination émergent, encouragez l’élève à mettre à l’essai quelques-unes des stratégies suivantes :

  • Avoir conscience de la procrastination dès qu’elle se présente.
  • Traiter ses émotions négatives (telles la crainte et l’anxiété) et essayer de comprendre pourquoi on a peur de s’attaquer à la tâche.
  • Établir des objectifs réalistes et tangibles.
  • Dresser un plan pour l’atteinte des objectifs établis.
  • Commencer! Après le traitement des émotions, c’est souvent l’obstacle le plus difficile à surmonter.
  • Diviser la tâche en étapes plus simples.
  • Prendre une pause après avoir achevé certains éléments d’une tâche complexe.
  • Être patient envers soi-même quand on commet une erreur ou qu’on n’exécute pas son plan à la perfection.
  • Trouver un moyen de rendre la tâche agréable.
  • Éliminer les sources de distraction (notamment le téléphone!).
  • S’attendre à ce qu’il y ait des sources de distraction et concevoir une stratégie pour les éliminer.
  • Se récompenser après avoir achevé sa tâche.
  • Évaluer les résultats selon qu’on achève une tâche ou qu’elle reste inachevée.
  • Gérer son temps.
  • S’inspirer des réussites passées et éviter de s’attarder aux échecs passés.

C’est une question d’émotions

La procrastination se présente sur une espèce de continuum ayant pour extrémités le report du début d’une tâche et l’abandon complet de la tâche. Si l’intervenante ou l’intervenant scolaire peut aider l’élève à s’attaquer aux raisons émotionnelles qui l’amènent à reporter le début d’une tâche ou à choisir de ne pas l’achever, le chemin de la victoire sur la procrastination peut devenir une avenue régénératrice pour l’élève. Il sera important de lui rappeler que ce n’est pas une question de paresse. En fait, c’est très probablement la crainte qui paralyse l’élève, et si on arrive à faire face à ces craintes, il est possible de s’attaquer avec succès à la procrastination.

Eh oui, la procrastination a eu un rôle à jouer

Au début de ce texte, je me demandais si la procrastination était le principal problème qui avait retardé la rédaction de ma chronique. Certes, des reports inutiles ont précédé le processus de rédaction, mais, peut-être sans m’en apercevoir, j’ai fait face à mes émotions négatives et j’ai vaincu ma réticence à commencer. Sur la voie cahoteuse de la procrastination, je n’ai pas succombé à ses obstacles les plus négatifs. J’ai respecté la date et l’heure de tombée (à la minute près), et le processus de publication s’est poursuivi sans encombre. Nous verrons comment ça se passera quand je devrai rédiger ma prochaine chronique La tranquillité d’esprit. Je procéderai certainement à un inventaire émotionnel si je constate que je retarde indûment le traitement de mon prochain sujet.

Par : Sean Dolan